Retour sur le webinaire sur le déni de la science

Le 21 octobre dernier, l’association RePlanet France – les écohumanistes a eu le plaisir d’organiser le premier webinaire de la série « Science & Société », présenté par Leonardo Orlando. La discussion s’est déroulée autour du livre Science Denial: Why It Happens and What to Do About It, écrit par nos invitées les professeures Barbara Hofer de Middlebury College, et Gale Sinatra de l’Université de Californie du Sud. Ce fut l’occasion d’explorer les raisons du déni de la science et d’évoquer des pistes pour le contrer.

La compréhension de la science par le public est nécessaire pour le pour le bon fonctionnement des démocraties. Les sujets tels que les vaccins, le réchauffement climatique ou les OGM sont des exemples d’enjeux scientifiques sur lesquels les populations doivent être formées pour prendre des décisions raisonnables.

Dans ce sens, une attention toute particulière doit être portée à la polarisation politique, car celle-ci peut avoir un impact direct sur la compréhension de la science par le grand public :  aux Etats-Unis, où les solutions scientifiques telles que le port du masque, la distanciation sociale ou la vaccination ont été victimes de cette polarisation, nous avons pu observer un fort scepticisme du public vis-à-vis des données avancées par la science sur le caractère mortel de la Covid-19.

Pourquoi le déni ?

Le déni de la science n’est pas un phénomène nouveau, Galilée ou Darwin en étaient déjà victimes. Cependant, Internet et les réseaux sociaux ont amplifié le phénomène et facilité la prolifération de la désinformation. Les utilisateurs de ces outils sont plus susceptibles de croire aux articles publiés par leurs amis que par des sources médiatiques ou scientifiques vérifiées.

Cette inclinaison est le fait d’un biais cognitif appelé confiance épistémique :  notre identité sociale nous préfigure à choisir nos sources d’informations. Les messages au sein de nos groupes de relations ont sur nous un effet plus persuasif que ceux venant de l’extérieur. On observe ce phénomène dans des milieux religieux ou dans des groupes Facebook dédiés, p.ex. aux mères habitant un même arrondissement.

Pourtant, il y a des raisons solides de faire confiance à la science. Selon Naomi Oreskes, historienne de la science à Harvard, la science est fiable car la recherche est un processus qui s’appuie sur des découvertes antérieures pour avancer. La science n’est pas l’affaire d’un seul individu – c’est une entreprise collective qui repose sur l’évaluation par des pairs. Finalement, comme le souligne Oreskes, la science n’est pas infaillible, mais elle est capable de s’autocorriger.

Les moyens existent pour s’opposer au déni de la science.

Comment s’y opposer ?

Chacun a son rôle à jouer dans le combat pour contrer le déni de la science.

Ainsi, lorsque les scientifiques communiquent les résultats finaux de leurs études, ils devraient également exposer au grand public la démarche adoptée pour les obtenir.

Les vulgarisateurs scientifiques devraient prendre en compte l’existence des biais cognitifs de leur audience, et éviter de donner de la valeur à la pseudoscience en la juxtaposant avec les découvertes scientifiques sérieuses.

Enfin, nous, en tant qu’individus, devrions cultiver ce que Lee McIntyre, l’invité de notre prochain webinaire, appelle « l’attitude scientifique » : « l’ouverture à la recherche de nouvelles preuves et la volonté de changer l’esprit de l’autre à la lumière de cette nouvelle preuve ». Le scepticisme en soi n’est pas une mauvaise chose car il nous pousse à questionner les sources d’information et les motivations des personnes qui relayent cette information. Il nous protège ainsi de la désinformation. C’est lorsqu’il devient systématique que le risque de basculer dans le déni de la science survient.

Pour en apprendre plus sur le sujet, l’enregistrement de cette passionnante discussion est disponible ici. Le prochain webinaire de la série « Science & Société » sera également dédiée à la question du déni de la science. Dr Lee McIntyre nous expliquera que veut dire avoir « une attitude scientifique », notamment vis-à-vis des politiques publiques, et nous éclairera sur les mécanismes qu’utilisent les individus qui contestent et s’opposent aux conclusions de la science pour décrédibiliser les raisonnements scientifiques rigoureux.

A propos des intervenantes
Gale Sinatra est titulaire de la chaire Stephen H. Crocker et professeur de psychologie et d’éducation à la Rossier School of Education de l’Université de Californie du Sud. Elle a obtenu son doctorat en psychologie à l’université du Massachusetts.
Barbara Hofer est professeure de psychologie émérite au Middlebury College et membre de l’American Psychological Association. Elle a obtenu son doctorat à l’Université du Michigan dans le cadre du programme combiné en éducation et en psychologie, avec un certificat en culture et en cognition, et une maîtrise en développement humain à l’Université de Harvard.